Louis Ducos du Hauron                        AGEN, 1859 : "le jeune savant du midi"

   L’émergence comme la destinée des êtres, des idées, et même des lieux, est souvent le fruit de multiples hasards. À la base de l'aventure scientifique que nous allons vous raconter, il y a l'époque : ce milieu du XIXe siècle où les idées nouvelles foisonnent. La photographie vient d'être inventée et il y a de quoi donner à rêver à un jeune homme curieux.

 

   Le lieu ? Il est dû effectivement au hasard. Celui des pérégrinations professionnelles de la famille du jeune homme. Agen, petite ville de la Moyenne Garonne où il mènera l'essentiel de ses recherches et où il se fera un nom : Louis Ducos du Hauron.

Une jeunesse vouée aux arts et à la science

   Bien évidemment, en Lot-et-Garonne, nous revendiquons son identité agenaise. Mais il faut savoir qu'il est né dans le département voisin, à Langon (Gironde), en 1837. Son père est un fonctionnaire des Contributions indirectes qui se déplacera en fonction de ses diverses affectations. Le jeune Louis suit donc son père dans ses mutations, jusqu'à son décès, dans le Gers, en 1863. À partir de cette date, c'est son frère Alcide, magistrat, qui le prend sous son aile.

 

   Nous ne savons pas grand-chose sur sa jeunesse, sur ses études... si ce n'est ce que nous en dit l'historien Georges Potonniée. Le jeune Louis arrive à Agen à l'âge de 11 ans. Il se montre passionné par les sciences (physique et chimie) et il possède de réelles dispositions pour la peinture et surtout pour la musique. À quinze ans, il est un pianiste talentueux et, malgré une santé fragile, dit-on, il poursuivra ses études musicales et deviendra professeur de piano. Ça sera d'ailleurs sa principale source de revenus.

Voici la ville que découvre Louis Ducos. Agen en 1850, peinture de Jules Arrès-Lapoque (Musée d'Agen). En 1877, il prendra une vue similaire : ça sera le premier paysage photographique couleur de l'Histoire.
Voici la ville que découvre Louis Ducos. Agen en 1850, peinture de Jules Arrès-Lapoque (Musée d'Agen). En 1877, il prendra une vue similaire : ça sera le premier paysage photographique couleur de l'Histoire.

Le rôle essentiel de son frère Alcide

   Nous l'avons dit, à partir de 1863, Louis rejoint son frère Alcide, avocat à Agen. Un frère qui est aussi un littéraire, membre de la Société des Sciences Lettres et Arts d'Agen. Un frère qui assurera sa subsistance... qui s'endettera même, afin que le jeune chercheur puisse mener à bien toutes ses expériences. Un soutien qui ne sera pas – que – financier, mais essentiellement moral. On verra comment Alcide s'inquiète pour la santé de son jeune frère. Comment il participe, jour après jour, à ses recherches, ses démarches... et comment il rédige même les publications attribuées à l'inventeur.

 

   En se référant à des fratries célèbres (comme celle des Lumière), on pourrait dire que la photo couleur est l’œuvre des frères Ducos.

Le "jeune savant du midi"

La Société Académique d'Agen où le jeune Ducos fera son premier exposé en 1859.
La Société Académique d'Agen où le jeune Ducos fera son premier exposé en 1859.

   Louis Ducos est excessif dans tout ce qu'il entreprend, nous dit son frère Alcide. Ses études sont menées avec passion et donnent lieu à la rédaction de mémoires. En mars 1859, âgé de 22 ans, il entre dans la vie publique en donnant une conférence, à la Société Académique d'Agen, sur « la distribution de la lumière dans l'univers » et sur « les sensations lumineuses ». À cette occasion, la revue « Les Mondes » l'aurait qualifié de « jeune savant du midi ».

 

   Il travaille déjà sur ses sujets de prédilection et évoque déjà le problème de la photographie des couleurs. Déjà, il construit ses théories, mais pour passer « du domaine de la spéculation théorique à celui des réalités palpables, il s'est voué, de jour comme de nuit, je puis lui rendre ce témoignage, à un travail dont l’opiniâtreté défie presque toute comparaison... » (Alcide, Agen 1878)

En 1862, l'Académie des Sciences refuse son traité

Le chromoscope dessiné en 1862 par Ducos du Hauron permet d'additionner les images reflets de trois monochromes. C'est ce principe qui sera développé dans ses appareils de 1897-99.
Le chromoscope dessiné en 1862 par Ducos du Hauron permet d'additionner les images reflets de trois monochromes. C'est ce principe qui sera développé dans ses appareils de 1897-99.

   Louis Ducos ne croit pas au miracle, à « la surface caméléon qui enregistrerait une image polychrome ». En 1862, il rédige un traité nommé « Méthode de reconstitution photographique des couleurs par triple tamisage des rayons et par triple réversion d'empreintes ». Il professe donc, dès cette époque, le principe de la trichromie. Mais il avouera, cinq ans plus tard, qu'il n'avait compris que « la moitié du problème ». Il expose, en fait, ce que nous nommons la synthèse additive... qui est toujours et plus que jamais d'actualité.

   L'académicien qui a refusé la présentation de son traité n'a pas été très perspicace. Il en est souvent ainsi lorsque l'on est porteur d'idées trop novatrices ou trop dérangeantes.

   Louis Ducos du Hauron aura toujours été trop en avance pour son époque... souvent d'une trentaine d'années.

 


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LDH : le jeune savant du midi
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