La photographie sur plaques de verre...        ... le triomphe du collodion

     Tout au long de la seconde moitié du XIXe, les photographes vont utiliser des émulsions sur plaques de verre.

     La chimie de l'argentique ne va pas cesser de s'améliorer et l'on va passer des plaques à sensibiliser soi-même avant la prise de vue aux plaques du commerce. Leur sensibilité va être plusieurs fois décuplée, puisque l'on va passer d'un temps de pose de plusieurs minutes à des poses de quelques secondes pour finir sur des poses s'approchant du 1/1000ème de seconde.

1847, Niépce de Saint-Victor : les plaques de verre

     Pour améliorer la définition des calotypes, il fallait changer de support. Mais comment arriver à faire adhérer une émulsion sur une plaque de verre ?

     Ce fut Niépce de Saint-Victor, le fils d'un cousin de Nicéphore, qui eut l'idée d'utiliser le blanc d’œuf. L'albumine ayant le pouvoir de fixer l'iodure de potassium sur le verre. Une fois sèche, cette pellicule pouvait être sensibilisée dans une solution de nitrate d'argent.

     Nous sommes en 1847... et, très vite, l'industrie photographique naissante va consommer des millions d’œufs afin de préparer les plaques de verre négatives et les papiers albuminés (mis au point par Blanquart-Evrard en 48) pour le tirage des positifs.

     Les plaques (clichés négatifs) étaient ensuite développées durant une heure dans de l'acide gallique chaud. Elles n'avaient pas une grande sensibilité puisqu'il fallait poser de 5 à 15 minutes pour faire une photo.

     Malgré ces contraintes, le procédé à l'albumine s'imposa... et perdura même une quarantaine d'années en ce qui concerne le tirage papier.

 

     Nous retrouverons Niépce de Saint-Victor sur des recherches concernant la photo-couleur ; il reprendra également les procédés de gravure de son oncle et publiera en 1856 son traité d'héliographie. Il finira même par découvrir la radioactivité des sels d'uranium dans les années 60.

1851 : l'ère du collodion humide

      On ne pouvait se satisfaire des 10 minutes de pose. Donc, les expérimentateurs et alchimistes de l'époque essayèrent de nouveaux produits ou revinrent vers le papier.

     En 1849, Gustave Le Gray fut le premier à parler du collodion. Cette dissolution du coton-poudre (qui est un explosif), utilisé en pharmacie pour soigner les brûlures, est sensibilisé par la méthode Le Gray pour aboutir, dès les premiers essais dit-il, « à une épreuve, à l'ombre, en 20 s ». Le photographe français ne protège pas sa découverte... et il en dit trop.

     En Angleterre, son homologue Scott Archer perfectionne le principe et le publie – gracieusement – en 1851. Cette découverte ne rapportera rien, ni au Français, ni à l'Anglais, mais elle va permettre aux photographes du monde entier de réaliser de beaux clichés, riches de beaux dégradés et avec des temps de pose de quelques secondes. Ceci, pendant une trentaine d'années.

 

Frederic Scott Archer (autoportrait vers 1849)

     La chambre photographique n'a toujours pas besoin d'obturateur mais – gros inconvénient – il faut sensibiliser la plaque sur place, au moment de la prise de vue, et la développer sur le champ. En plus, les produits sont toxiques, inflammables... et d'une puanteur immonde. Couler le collodion réclame beaucoup de dextérité... et il faut l'utiliser humide pour un maximum de sensibilité.

     La photographie reste donc, plus que jamais, une affaire de professionnels. Le travail en studio, sous de grandes verrières, avec un laboratoire attenant, est tout à fait gérable ; mais en ce qui concerne « le reportage » en plein air, sur le théâtre des événements... on équipera des roulottes ou on chargera des animaux d'un encombrant matériel et de la tente étanche qui servira de laboratoire.

     Malgré ses inconvénients, des milliers de photographes à travers le monde vont l'utiliser durant trois décennies, améliorer ses performances... et nous offrir de formidables images témoignant de leur époque ainsi que les portraits, bien réels, des représentants les plus illustres du monde des arts, du monde scientifique ou politique.

     En exemple, deux photographes particulièrement réputés : Nadar en France, Brady aux États-Unis.

Gaspard-félix tournachon (1820-1910) dit nadar

     C'est le premier grand photographe français dont la notoriété est parvenue jusqu'à nous.

     En un premier temps, ce Parisien est écrivain et caricaturiste. Il fréquente les gens de lettres et les artistes de son époque. À partir de 1853, il commence à les photographier pour son « Panthéon-Nadar »

     Il reçoit et travaille dans un pavillon mansardé de la rue Saint-Lazare ou, plus exactement, dans son jardin... abondamment ensoleillé. Très vite, il se fait une réputation. Et c'est ainsi que tous les gens importants – et aisés – viennent se faire « tirer le portrait ».

     En 1860 (peut-être 1856), il s'agrandit et s'implante boulevard des Capucines où il continue à photographier le Tout-Paris. Nous connaissons des centaines de portraits de gens célèbres... du monde des arts essentiellement, mais aussi de monde aristocratique, bourgeois, politique... Il formera et travaillera avec son fils Paul qui assurera sa succession. 

 

Nadar (autoportrait vers 1860)

     Nadar se passionne pour tout ce qui est nouveau... comme les aérostats. Il passe pour avoir été le premier à pratiquer la photo-aérienne. Selon les sources, on nous donne des dates allant de 1856 à 1859 mais nous avons des doutes quant à sa réussite. Son « coup de pub » par contre est réussi, comme en témoigne la caricature de Daumier (Nadar en 58 au dessus du Petit-Clamart). Il faut rappeler que la sensibilité des plaques au collodion de cette époque ne permettait peut-être pas ce genre d'exploit. D'ailleurs, l'image en question est inconnue. Seul un monument nous rappelle l'événement.

     Par contre, nous avons des photos des catacombes éclairées par la combustion du magnésium. Et il a été dit qu'il aurait travaillé avec un certain Dagron à la mise au point du micro-film sur pellicule de collodion (pour le compte de l'Armée).

     Puis notre homme se retrouve ruiné, suite au siège de Paris en 1870 et à insurrection de la Commune. Enfin, il reviendra sur le devant de la scène en réalisant, avec son fils Paul, l'interview photographique du centenaire Chevreul (en 1886). Il quittera Paris pour fonder à Marseille un atelier photographique et s'intéresser à la photostérie (gravure en relief). En 1900, l'Exposition Universelle lui rend un bel hommage.

Mathew brady (1823-1896, new-york)

      Outre Atlantique donc, les exemples sont nombreux. Mais un personnage est incontournable : il s'appelle Mathew Brady. Tout jeune, il s'installe à New-York et devient vite un photographe réputé. Il est le portraitiste des personnalités, notamment du président Lincoln. Et il obtient de celui-ci, l'autorisation de couvrir photographiquement la guerre de Sécession.

     Mais il ne part pas seul. Il forme des équipes, rattachées à 22 voitures laboratoires, qui visiteront les divers champs de bataille. C'est ainsi qu'il signera, de 1861 à 1865, près de 7000 photos.

     À cette époque, les temps de pose du collodion sont encore de quelques secondes. Pas grave lorsqu'il s'agit de photographier des cadavres. Quant aux soldats vivants : ils prendront la pose.

     Les Américains découvriront ainsi les atrocités de la guerre.

     Il s'agit du premier travail d'agence de l'histoire de la photo.

Brady sera le témoin des atrocités de la guerre de Sécession.
Brady sera le témoin des atrocités de la guerre de Sécession.