Années 50-60-70 : des inventeurs majeurs

     Avant de refermer le livre des trente glorieuses de l'histoire de la photographie (années 50-60-70), et sans avoir la prétention d'être exhaustifs, nous nous rendons compte que nous avons oublié de signaler certains procédés, peut-être anecdotiques, mais qui ont connu un certain succès : ceux de l'ambrotype et du ferrotype.

     Beaucoup de portraits ont été réalisés avec l'ambrotype à partir de 1851. On ne sait trop qui l'avait inventé mais le processus était rapide et abordable. On réalisait un négatif sur plaque de verre au collodion ; celui-ci était développé et blanchi chimiquement puis posé sur un fond noir. L'image apparaissait donc en positif. En 1852, le même procédé est repris sur une tôle revêtue d'un vernis noir puis d'une couche de collodion... développée, blanchie et fixée. C'est le ferrotype... et en quelque sorte, un faux daguerréotype.

     Mais surtout, avant de conclure sur cette période, il fallait faire connaissance avec divers personnages qui furent des inventeurs majeurs, des précurseurs et de grands visionnaires.

 

 

Alphonse poitevin (1819-1882)

      Le premier de ces personnages annonce les développements futurs des techniques photographiques, et notamment celles concernant la trichromie. Il s'agit d'Alphonse Poitevin. Cet ingénieur français, sorti de l’École Centrale de Paris en 1845 allait mettre ses connaissances de chimiste au service de la recherche de nouveaux procédés.

Partant du fait que la gélatine bichromatée devenait insoluble lorsqu'elle était exposée à la lumière, il va exploiter cette propriété dans des procédés qu'il fera breveter en 1855.

1 - Les tirages photos inaltérables au charbon. Il rajoute du noir de carbone dans sa gélatine. Après exposition sous le cliché négatif et dépouillement à l'eau chaude, seule est préservée la gélatine noire correspondant aux ombres. Dans la pratique, c'est un peu plus compliqué car il faudra réaliser un transfert pour obtenir un dépouillement graduel en fonction des demi-teintes.

2 - La photolithographie. Premier procédé d'imprimerie permettant de reproduire une image.

3 - La collotypie... qui utilise la faculté de la couche restante de gélatine bichromatée à retenir plus ou moins d'encre en fonction de son épaisseur.

 

[ Nous avons déjà développé dans le détail les techniques de la photo au charbon comme de la collotypie dans les pages consacrées à Ducos du Hauron. Prière de télécharger les PDF.]

 

 

Cyprien Téssié du motay (1818-1880)

       Lorsqu'il ne fréquente pas les salons littéraires, ce chimiste de formation jouera les inventeurs multicartes (gaz d'éclairage, véhicule à air comprimé...).  Puis il s'intéressera à la photographie et reprendra le troisième principe de Poitevin, le développera, le perfectionnera et le fera connaître en 1867 sous l’appellation : phototypie.

      Nous sommes donc dans un processus d'imprimerie aux encres grasses qui offre la possibilité de réaliser des tirages de petites séries. La photoglyptie permettra plus tard d'obtenir une forme d'impression plus résistante et donc d'imprimer de plus grandes séries. Quoi qu'il en soit, cette phototypie (ou collotypie) sera le principal moyen d'impression des cartes postales (pour ne pas dire l'unique) jusqu'en 1930.

      Si les historiens de la photo ne s'attardent pas trop sur les deux personnages que nous avons cités, c'est sans doute parce qu'ils les renvoient à l'histoire de l'imprimerie. Mais vous avez compris que ce distinguo n'avait pas de sens, car depuis le précurseur que fut Nicéphore Niépce, photographie et imprimerie sont intimement liées. C'est encore ce que va nous nous démontrer le personnage suivant.

 

 

Louis ducos du hauron (1837-1920)

      Ce personnage est notre sujet d'étude principal et il s'insère naturellement dans la longue liste des inventeurs que nous venons de découvrir. Il s'en inspire et à son tour, il inspirera tous ceux qui prolongeront son œuvre et travailleront sur la photo-couleur.

      Nous allons être très succincts puisque l'essentiel de ce site lui est déjà consacré et que nous allons ouvrir un chapitre sur la couleur. Il s'agit juste de voir comment Louis Ducos s'est approprié les découvertes de Poitevin.

      Lorsqu'il présente, en 1869, ses premières héliochromies, il n'a fait que remplacer le noir de la photo au charbon de Poitevin par des colorants. Et lorsqu'il produit (années 70) ses héliochromies aux gélatines, c'est le même principe mais avec les trois couches sur le même papier.

      En 1883 il abordera la phototypie (de Poitevin et Tessié du Motay) et passera alors à des techniques d'imprimerie en superposant les trois impressions CMJ sur le même support.

      Mais Ducos du Hauron apportera également sa part de progrès aux émulsions noir et blanc (même si personne ne l'a relevé). Il s'était rendu compte que ses papiers et plaques aux sels d'argent n'étaient sensibles qu'aux radiations bleues. Pendant une dizaine d'années il essaiera, comme d'autres chercheurs étrangers, à sensibiliser ses émulsions au rouge et au vert et il fera effectivement progresser leur orthochromatisme... jusqu'à ce que l'industrie produise enfin (années 90) des plaques et des films panchromatiques.

 

 

eadweard muybridge (1830-1904), etats-unis

       Encore un personnage que les photographes ne connaissent pas car il a été classé parmi les précurseurs du cinéma. Or, il était déjà un photographe réputé pour ses travaux sur l'Alaska et le Far-West... ce qui lui valut d'être missionné par Sanford, le gouverneur de Californie, pour réaliser une étude sur le galop du cheval.

      En 1873 même les meilleurs spécialistes du collodion humide étaient bien incapable de figer la course d'un cheval... et Muybridge ne parvint qu'au 1/10ème de seconde, ce qui était bien insuffisant. Cinq ans plus tard il réalisa l'exploit. Au vu des résultats (en 1878) il avait dû s'approcher du 1/1000ème de seconde. Une performance qui n'a étonné aucun spécialiste ou aucun historien de la photo et du cinéma.

      Certes, il avait mis toutes les chances de son coté : objectifs très ouverts, plein soleil, mur blanc, équipe de chimistes sur place pour préparer au mieux le collodion... mais tout de même... passer de plus d'une seconde au 1/1000 ? C'était invraisemblable, et nulle part nous n'avons trouvé d'explications. Ce qui laisse penser que beaucoup d'intrépides expérimentateurs de cette époque avaient leurs petits secrets.

      Avec Muybridge, nous venons de faire le premier pas dans l'univers de la chronophotographie... et donc du cinéma.

 

étienne-jules marey (1830-1904)

 

 

     Ce physiologiste français (professeur au Collège de France) aurait une place de choix dans l'histoire de la chronophotographie, mais pas vraiment dans celle de la photo. Cependant, c'est lui qui a provoqué le défit de Muybridge aux États-Unis, et c'est pour lui que l'on va développer divers appareils, opérant tout d'abord sur verre (plaque rotative de son fusil photographique en 1882, appareil à 12 objectifs ou a obturateur stroboscopique...), puis sur film celluloïd.

 

Il a donc contribué à améliorer les performances photographiques et a ouvert de belles perspectives à ceux qui rêvaient de cinéma.