Le film en rouleaux... et la photo pour tous

      Grâce aux plaques sèches au gélatino-bromure d'argent, que divers industriels ne vont pas cesser d'améliorer, la dernière décennie du siècle va voir arriver sur le marché un grand nombre de chambres photographiques construites avec soin (en teck ou acajou) dotées de mécanismes de précision (mise au point, bascule, décentrement...), d'objectifs et d'obturateurs performants... de vrais bijoux qui font le bonheur des collectionneurs d'aujourd'hui. Certaines d'entre-elles peuvent même renfermer une douzaine de plaques, les foldings sont relativement pratiques pour travailler à main levée et donc, la photographie devient de plus en plus facile. Sauf qu'elle reste un luxe !

      Mais en cette fin de siècle, une révolution se prépare : celle du film souple... et en rouleau. 

Qui a inventé le celluloïd ?

George Eastman (1854-1932), créateur de  la société Kodak.
George Eastman (1854-1932), créateur de la société Kodak.

      La question est litigieuse et elle a donné lieu à des procès. Il semble que les recherches sur le nitrate de cellulose étaient anciennes et que c'est aux États-Unis qu' Alexander Parkes le mit au point et le commercialisa en 1872 sous l'appellation celluloïd. Ce qui explique que l'on ait pu fabriquer, à Paris vers 1883, le premier appareil à rouleau. Ce produit miracle – mais dangereux – car il est hautement inflammable, sera ultérieurement remplacé par le tri-acétate de cellulose.

      Il est admis que c'est George Eastman, le fondateur de Kodak, qui l'a mis sur le marché en 1885, sous forme de bandes de 70 mm.

Cet inventeur et philanthrope américain, ce visionnaire, va créer un concept radicalement nouveau. En 1888, il lance son premier appareil de type box (cubique et sans réglages), qu'il fabrique à grande échelle dans son usine de Rochester. L'appareil est garni d'un rouleau de 100 vues. « Vous appuyez sur le bouton et nous faisons le reste ». Après les prises de vues, l'appareil est renvoyé à l'usine, il est rechargé et réexpédié avec les photos tirées, à l'utilisateur.

      Kodak crée des usines partout dans le monde. En France, il s'associe à Pathé et ouvre les sites de Vincennes, Sevran, Chalon-sur-Saône, qui fabriquent et traitent les pellicules... et emploieront jusqu'à 5000 personnes.

      Les appareils de type box sont rudimentaires, « une boite à savon »: ce sont les fameux Brownies de Kodak. Ils seront copiés et reproduits partout dans le monde... nous en connaissons des centaines de modèles.

      Il faut donc retenir que le celluloïd est disponible et répandu dès les années 90. C'est à ce moment là que Thomas Edison (aux États-Unis) a l'idée d'en faire des bandes de 35 mm qu'il perfore pour les besoins de son kinétographe. Mais ce nouveau film ne sera (pour l'instant) utilisé que pour permettre l'avènement du cinéma. Louis Lumière perforera le sien puis, à partir de 1903, c'est le standard américain qui s'imposera dans le monde entier.

Début du XXe : des grands formats au 35 mm

      Les chambres de grands formats vont continuer leur carrière pendant des décennies. En studio, elles abandonneront les plaques de verre pour les plans-films sur celluloïd ; certaines se doteront même d'une visée réflex. Pour le reportage, elles utiliseront du film en rouleau (de largeur raisonnable dans les foldings) et produiront des images de tous formats (du 6x9 au 10x15...). La pratique courante n'étant pas encore à l'agrandissement... mais cela va venir, suite à l'amélioration des optiques et des surfaces sensibles, suite à la découverte de nouvelles chimies de développement, suite à une plus grande précision dans la fabrication des appareils et des obturateurs (extérieurs, puis centraux ou à rideaux dans le plan focal).

      Cela arrivera à partir des années 1920-1930... et surtout lorsque » l'on va adapter le film de 35 mm à la photo. En tolérant un peu de grain dans l'image, des agrandissement jusqu'à 10 fois de ces précieux négatifs vont devenir tout à fait acceptables. Des marques prestigieuses vont arriver sur le marché (Leica, Contax, Rétina Kodak...) Idem pour les optiques (Leitz) bientôt amovibles (du grand-angle au petit télé) et couplées à un télémètre pour plus de précision dans la mise au point. Et ce sont les constructeurs allemands qui vont acquérir une renommée bien méritée avec ces nouveaux 24x36 et la qualité de leurs optiques.

      Toutes ces innovations, comme l'éclairage artificiel (électrique, magnésique ou électronique), les cellules photo-électriques et l'arrivée des automatismes, sans oublier l'aventure extraordinaire de la couleur, mais aussi de la photo bon marché, à la portée de tous (avec les appareils jetables ou la photo instantanée)... tous ces développement dans la technologie de l'argentique vont faire du XXe siècle, le siècle de l'image.

      Mais notre idée était de nous limiter au XIXe et surtout à l'environnement scientifique de notre compatriote Louis Ducos du Hauron. Déjà à son époque, la photographie avait conquis ses lettres de noblesse, et déjà des débats artistiques avaient été lancés, et déjà une certaine aristocratie (de cet art nouveau) voyait d'un mauvais œil la vulgarisation que nous venons d'évoquer.

      Nous avons laissé de coté l'avènement de la couleur... qui a déjà été traité, il est vrai, dans les pages consacrées à Ducos du Hauron. Mais un rapide survol de cette formidable aventure ne serait peut-être pas inutile.