Années 1860-1870 : la fin du collodion humide

 

     À partir des années 60-70, la photographie va connaître de multiples développements.

     Nous sommes toujours sur la technique du collodion humide, qui régnera une trentaine d'années.

     Il n'est pas vraiment pratique, puisque les plaques doivent être préparées et développées sur place. Malgré ces difficultés, les photographes dont nous avons déjà parlé (Brady et Nadar) et beaucoup d'autres, vont réaliser des prodiges. 

     Que penser de Braun qui (en 1865) va amener son attirail dans les séracs de la Mer de Glace ; ou du portraitiste Disdéri, à Paris, qui industrialisera la photographie en inventant la carte de visite photo. Il mettra au point des appareils multiplicateurs et sera capable de sortir de ses ateliers, jusqu'à 2400 photos-cartes par jour.

 

 

Alphonse Braun.

Alpinistes sur la Mer de Glace à Chamonix.

(vers 1865, procédé au collodion)

 

 

     La photographie est entrée dans les mœurs, elle est devenue un besoin, et donc les constructeurs vont produire des chambres à soufflet pour les rendre pliantes, des chambres compactes comme l'appareil Dubroni dans lequel s'opère toutes les opérations de laboratoire. On verra même un tout premier appareil de poing, muni d'un rudimentaire obturateur, pour photographier à main levée. Car pour les chambres, munies d'un objectif pas très lumineux, on enlève et on remet un bouchon, c'est suffisant.

     D’après les spécialistes (et les collectionneurs), les obturateurs n’apparaîtront que dans les années 80. Pourtant, à bien observer certaines images (datées des années 60) – de foules animées – il semble bien que ces instantanés nécessitaient des poses d'une fraction de seconde. Mystère ! Nous verrons que certains photographes avaient leurs petits secrets pour augmenter la sensibilité de leurs émulsions. Ils pouvaient alors installer un obturateur à guillotine devant leur objectif.

Chambre stéréo pliante (constructeur français inconnu, vers 1860).
Chambre stéréo pliante (constructeur français inconnu, vers 1860).

     Une autre obsession du moment, sera d'obtenir des images en relief. On avait compris depuis longtemps les atouts de la vision binoculaire et Brewster avait adapté un de ces appareils à la photo en 1851... et l'avait présenté à l'Exposition Universelle de Londres.

     Dans les années 60, il existait déjà de nombreuses chambres stéréos et autant de visionneuses à double oculaire. Aux États-Unis on pouvait se procurer un grand choix de « couples stéréos » et ainsi s'offrir une visite 3D des sites les plus prodigieux des parcs nationaux.

     Les images en relief ne posaient donc pas de problèmes. Par contre, de doux rêveurs essayèrent, dès cette époque de capter la couleur... d'autres, le mouvement. Nous consacrerons des chapitres particuliers à ces évolutions, et ferons connaissance avec de nouveaux chercheurs, peu connus, mais à l'origine de ces développements.

     Pour l'instant, voyons l'apport extraordinaire, au monde de la photo, des plaques sèches au gélatino-bromure.

 

 

1878 : le gélatino-bromure d'argent

     Lorsque l'on relit des publications d'époque, on se rend compte qu'une foule de passionnés ont cherché à améliorer le collodion avec des produits invraisemblables, mais aussi en le séchant. Pendant ce temps, un médecin anglais, Richard Maddox (en 1871) travaille sur du gélatino-bromure. Les performances ne sont pas extraordinaires, mais en quelques années, deux de ses compatriotes, Kennet, puis Bennett, par des techniques de chauffage et de « maturation » (brevet en 1874) vont rendre, en 1878, le procédé tout à fait opérationnel. Le chimiste belge Monkhoven confirme : « Les plaques que j'ai préparées à l'aide de cette méthode sont vingt fois plus rapides que le meilleur des collodion humide ».

 

Antoine Lumière (le père de Louis et Auguste) pose, en 1872, avec le matériel photographique de son studio lyonnais.
Antoine Lumière (le père de Louis et Auguste) pose, en 1872, avec le matériel photographique de son studio lyonnais.

     Et donc, les industriels vont se mettre à produire ces plaques... pour le plus grand bonheur des photographes. Elles se conservent aussi longtemps que l'on veut. Il suffit d'introduire un châssis dans sa chambre – en plein jour – de prendre sa photo... et de la développer quand bon nous semble, ou le faire faire par quelqu'un d'autre. Ainsi, n'importe quel amateur peut devenir photographe.

 

     Dans notre pays, l'aventure commerciale de la Société Lumière est des plus emblématiques. En 1881, les deux fils d'Antoine Lumière, qui a créé à Lyon un studio et un laboratoire réputé, planchent sur un processus industriel pour fabriquer ces nouvelles plaques sèches au gélatino-bromure d'argent. En 1884, elle sont livrées dans des boites métalliques recouvertes d'une étiquette bleue. Cette plaque-photo fera la fortune des Lumière. En 1890, leur usine est capable de fabriquer 350 000 douzaines de plaques « étiquettes bleues ».

     En France, comme dans toute l'Europe, mais aussi aux États-Unis, de nombreux constructeurs vont mettre sur le marché de belles chambres de tous les formats... et dotées d'un obturateur car on peut désormais s'attaquer à la photo sportive. En créant les premiers appareils de type « box » ou de style « détective » on va commencer à opérer à main levée. On s'amuse même à dissimuler, dans tout ce qui se présente, des appareils miniatures pour prendre sans être vu...